En temps normal, ces machins-là devraient rester derrière le rideau. Mais je lis tellement de choses confuses (même jusque dans la presse) à propos de la suite de Kaamelott que je vais tout de même écrire quelques lignes.
À ceux qui attirent mon attention sur le Crowdfunding et les scores astronomiques obtenus par tel ou tel, je précise que la suite de Kaamelott n'est pas un problème de fonds. Pas encore, en tout cas. Les investisseurs sont motivés et enthousiastes, avec des réserves prévisibles, comme pour tout prolongement d'une série à succès sur grand écran.
À ceux qui projettent d'incendier M6, je propose de freiner des quatre fers : la chaîne est, plus que jamais, aux côtés de Kaamelott et de sa suite. M6 est demandeuse de cette suite, impatiente et aussi triste que moi de l'embarras regrettable dans lequel se trouve le projet.
À ceux qui y vont à coups de « Sois sympa, fais-le ! », voire « De toute façon, vous les vedettes, il y a que le pognon qui compte ! Tu nous l'avais promis, tu le fais pas, t'es qu'une grosse salope à la solde du RPR. Je souhaite ton décès… », je réponds sans me fâcher que je n'ai pas plus besoin aujourd'hui de motivation pour écrire une suite que je n'en ai eu besoin pour écrire les quarante heures précédentes, sans parler des sept albums de BD. J'aime Kaamelott, j'ai la suite (et la fin) de l'histoire dans la poche, et je suis triste tous les jours que Dieu fait de ne pas être encore en mesure de la tourner. Ça me peine, ça m'énerve et je trouve ça terrible d'avoir inventé un décor et d'être dans la position écœurante de m'y voir interdit d'accès.
Quel est le problème ? Je ne peux pas trop en dire ; il se prépare certainement des choses un peu lourdes et on pourrait me reprocher d'avoir publiquement mis en cause telle ou telle partie. Pour faire simple, les contrats actuels m'obligent à travailler dans un contexte ridicule ; la situation a tellement changé depuis 2004 qu'il me semble impensable de me lancer dans dix ans de production (une trilogie cinéma et un spin-off Résistance) dans de telles conditions, tenu de simuler une collaboration avec certains dont l'incompétence éditoriale en ce qui concerne Kaamelott frôle le cynisme absolu et dont l'ahurissante cupidité est l'ultime solution de sortie. C'est la gerbe, croyez-moi.
C'est la gerbe mais c'est comme ça. Je me bats et me battrai bec et ongles pour avoir le droit de faire Kaamelott dans des conditions qui me conviennent (c'est quand même bibi qui bosse le plus sur cette affaire, il faut pas déconner), honnêtes, équitables et où les moyens ne sont utilisés qu'à faire un beau film, pas à raquer des péages.
De plus, Kaamelott — ce n'est peut-être pas évident pour tout le monde — n'est pas, loin s'en faut, la seule chose que j'aie à raconter.
À ceux qui ne jurent que par Kaamelott et qui ne désirent pas se rendre curieux du reste, je proposerai la patience. Je leur donne surtout l'assurance que j'engage tout ce que je peux pour sortir leur Kaamelott-chouchou de l'ornière imbécile dans laquelle elle se trouve. En attendant, la série BD continue, peut-être d'autres supports encore ; le seul blocage concernant l'audiovisuel.
Aux autres, séries, films, spectacles, BD sont déjà en chantier. Des histoires dont je suis, je ne le cache pas, très fier et que j'ai hâte de vous faire découvrir. Ça a d'ailleurs toujours été clair pour moi : moitié Kaamelott, moitié pas-Kaamelott… Pour le moment, c'est la moitié pas-Kaamelott qui prend, indépendamment de ma volonté, le dessus.
Tous les messages gentils qui me soutiennent dans cette épreuve merdique (j'aime bien les avocats mais je préfère tourner des films, croyez-moi) sont les bienvenus. Tous les messages d'insulte qui m'expliquent la vie et tout ce que je ne comprends pas ne me servent à rien.
Enfin, à ceux qui souhaitent partir en croisade contre les méchants, restez au chaud. D'une, vous ne savez pas contre qui gueuler et c'est malheureusement un état qui vous rapproche de Guethenoc et Roparzh (rematez-vous les épisodes, c'est pas fameux), et de deux, si un jour j'ai à vous demander de gueuler pour de bonnes raisons, vous serez déjà à moitié crevés. Vous cassez pas, je m'occupe de tout et je vous promets que je ferai tout pour que Kaamelott existe. J'ai trente-neuf ans dans quelques jours, j'ai encore quelques années avant qu'Arthur ne soit plus raccord. J'ai le temps. Vous aussi d'ailleurs ; statistiques à l'appui, je n'ai à m'excuser qu'auprès des plus de soixante-seize ans qui risquent, eux, peut-être, de louper la fin… Moi, je m'engage à me grouiller, eux, à arrêter de fumer, manger sain et marcher trente minutes par jour et tout va bien se passer.
Je vous embrasse. Non mais c'est vrai en plus. Je vous embrasse vraiment.
Forza.
A.