Paris, Bourges, la Roche-sur-Yon, Nice… et Lyon ! L'inévitable point de chute d'Alexandre Astier révèle enfin son rôle dans le spectacle de l'auteur : le théâtre de la Croix-rousse accueillera Que ma joie demeure du 12 au 16 juin à 20h. Il semble que ces soirs de juin soient les dernières représentations prévues du seul en scène. Son dossier de presse trouvé par ailleurs n'indique pas d'autres villes à la page « Tournée ». Voici ce dossier de presse complet, suivi par la retranscription de la présentation du spectacle, puis de l'entretien avec Alexandre Astier qu'on y trouve :

Télécharger le PDF : dossier de presse de Que ma joie demeure, d'Alexandre Astier.

Herr Johann Sebastian Bach, le « Cantor de Leipzig », maître incontesté du contrepoint rigoureux, vous accueillera dans son appartement de l’École Saint Thomas, comme il l’avait déjà fait par le passé, pour un exposé exhaustif sur l’harmonie tonale contemporaine. Ce cours est ouvert à tous, et aucune connaissance musicale n’est requise, bien que les auditeurs possédant les bases fondamentales du solfège profiteront davantage des notions évoquées par le Cantor.

Les chapitres principaux des fondements de la composition baroque seront abordés : l’héritage du Grégorien, la permissivité progressive des dissonances au cours des âges, la nature modale du contrepoint primaire et sa pénétration dans le monde tonal, les harmonies non-occidentales et l’intérêt de leur étude… Herr Bach exposera à l’attention des auditeurs plus aguerris une introduction au contrepoint fleuri et rigoureux, après analyse des éléments nécessaires au cantus firmus et un bref rappel des règles rythmiques de la discipline.

Les auditeurs désirant proposer leur candidature à la classe permanente du Cantor pourront, à l’issue de la leçon, lui remettre leur dossier de demande qui devra comporter un cantus firmus, un sujet de fugue et sa réponse, et une basse chiffrée proposant un enchaînement harmonique d’une vingtaine d’accords. L’Église Saint Thomas se félicite de pouvoir, par le biais de la bienveillante disponibilité de son Kapelmeister, proposer en audition libre un exposé d’une grande richesse, destiné aux élèves de noble rang comme à ceux de plus modeste extraction.

L’Église tient à adresser ses chaleureux remerciements à son Cantor, qui aura dû surmonter les difficultés d’une situation familiale parfois douloureuse pour préserver la qualité de son enseignement et de ses compositions.

En outre, le Recteur de l’École Saint Thomas tient à préciser que les propos du Cantor Bach, parfois exagérément qualifiés de blasphématoires, ne sauraient entâcher sa solide réputation. Le Recteur assure que Herr Johann Sebastian Bach n’a jamais cessé d’exprimer son indéflectible ferveur au culte luthérien, vouant sans repos ses œuvres magistrales à l’expression de son incontestable foi.

Cependant, le Recteur précise qu’en aucun cas les propos tenus par Herr Johann Sebastian Bach ne pourraient répéter l’opinion des responsables de l’établissement. Il est admis qu’aucune réclamation ou plainte, notamment concernant l’attitude ou les propos du Cantor, ne saurait être prise en compte par la direction de l’École.

La cité de Leipzig est fière de pouvoir répondre à la curiosité musicale de ses habitants, en leur donnant rendez-vous avec son Cantor, l’un des plus remarquables représentants actuels de la composition baroque, Herr Johann Sebastian Bach.

Alexandre Astier

Quelle fût votre toute première impression, lors de votre première rencontre avec Jean-Sébastien Bach ?
J’avais sept ou huit ans. C’était le Concerto pour deux violons par « I Musici ». Je me repassais sans arrêt le premier mouvement, j’étais fasciné. Le contrepoint rigoureux avait fait son œuvre. Des trucs qui marchaient en quatre par dessus d’autres trucs qui marchaient en deux, les modulations franches, les pédales, les thèmes qui se promenaient dans toutes les voix… Et il n’y avait même pas besoin d’être musicien pour ressentir tout ça. C’était complexe et évident, sophistiqué et limpide. Je repassais le premier mouvement sans arrêt, pas en entier. Les trente premières mesures me suffisaient ; je relevais le bras du diamant et je recommençais au début. Aujourd’hui, je suis toujours comme ça. Je vois très peu de films, mais je revois cinq ou six fois de suite le même, pas toujours en entier. Pour le Concerto pour deux violons, j’avais vraiment l’impression d’assister à la démonstration d’une vérité physique. Je pense que ma fascination de l’époque pour ce que j’entendais était du même ordre que celle qu’aurait exercé sur moi un gyroscope ou un astrolabe.

Êtes-vous plutôt un admirateur fanatique ou un démystificateur ?
Bach, selon moi, nous a démontré une vérité universelle. On peut marcher pendant des millénaires sur de la pechblende (minéral dont on extrait l’uranium) sans que ça n’intéresse personne. Et puis, un jour, Marie Curie en extrait un élément qui permet de faire des photos de votre tibia sans vous ouvrir la jambe. Je ne m’explique pas d’où sortent ces personnages dans l’histoire, et pourquoi ils ressentent le besoin de fouiller un sujet jusqu’à ce que ce sujet éclate et livre son secret… Bach a fini sa vie en écrivant des fugues en miroir — quand on connaît la difficulté d’écrire une fugue «simple», on ne peut que rester bouche-bée devant la réalisation d’une fugue qui peut se lire aussi bien à l’endroit qu’à l’envers quand vous commencez la partition par la fin ! —, c’est à dire qu’il a poussé au plus loin l’expérimentation de son contrepoint (dont il n’est pas l’inventeur mais j’ai personnellement du mal à établir un lien concret entre sa maîtrise du sujet et celle de ses prédécesseurs). Je n’ai rien à admirer, et certainement pas fanatiquement. Je ne peux que louer le travail du maître qui a participé à rendre notre univers plus vaste et moins obscur. Je ne démystifie pas non plus le bonhomme ; plus je vieillis, plus j’ai l’impression que ce qu’on appelle les génies sont simplement des gens convaincus et anticonformistes qui osent fouiller un sujet par un biais inédit. Les génies sont simples, ils ne proposent rien à démystifier. Les escrocs, en revanche, sont certainement fascinants…

Sur le plateau, vous allez donner une leçon de musique - mais que souhaitez vous réellement faire passer ?
La musique est juste une manifestation de notre nature. J’aimerais en parler simplement. Je n’arrive pas à comprendre comment la musique peut ne pas être enseignée comme les mathématiques… Ce sont pourtant deux cousins très proches. Les enfants, en France, font des maths, de plus en plus de maths, et c’est très bien. Et quand il s’agit de musique, on continue de leur mettre une flûte à bec dans le bec (la tournure ne marche pas avec traversière, vous pouvez vérifier) et à les ennuyer au plus haut point avec un des plus beaux sujets du monde. J’ai appris pendant toute mon enfance que Mozart était né en 1756. J’ai dû apprendre, une autre année, que Bach était mort en 1750. Peut-être que j’aurais pu me dire que, tiens ! l’un est mort six ans avant la naissance de l’autre. En revanche, je cherche encore le prof qui aurait pu me faire entendre, avec un peu de passion, que le Kyrie du Requiem de l’un est un hommage direct au contrepoint de l’autre et que, pour le coup, ça devient un peu plus intéressant de connaître les dates. J’ai beaucoup de souvenirs absurdes comme celui-là. Et j’en retiens une leçon simple : il n’y a pas de mauvais sujet, il n’y a que de mauvais raconteurs. J’espère parler de musique, tout simplement, et n’ennuyer personne. Les Monty Pythons font rire avec un perroquet mort. Je vais bien m’en sortir avec Bach !

On attend de vous retrouver dans le registre de la comédie, peut-être du stand up, est-ce un malentendu ?
Je ne me sens bien que là où on ne m’attend pas. Et le seul registre auquel j’aurais du mal à me soustraire, c’est celui de Baryton qui ne me semble pas modifiable. Pour le reste…